Marc Maccotta, à l’école d'Alger (visage entouré), avec son « copain Ali » :
EXTRAIT DE L'INTERVIEW de MARS 2012
« Nous vivions ensemble. Alger était une ville agréable. Je n’y suis jamais retourné ».
Il est né à Alger d'un père d'origine sicilienne, Edgard, ouvrier dépanneur fonctionnaire de compteurs gaz à EGA, et d'une mère stéphanoise, Renée : « Nous vivions dans la cité du Ruisseau, cité HBM (habitation bon marché). Arabes, Juifs, Français, nous étions tous de bon voisinage. Alger était plutôt pieds-noirs italiens et, l'Oranie, espagnole. »
Marc Maccotta se souvient de son embarquement pour Marseille en juin 1962 : « Oui, c'était la valise ou le cercueil. J'avais 18 ans. Il y avait des kilomètres de queues sur les quais, des gens qui attendaient jour et nuit un bateau, des vieux, des gosses dans des poussettes, des personnes avec leur cage à oiseaux sous le bras. J'ai traversé la Méditerranée avec mon oncle et ma tante. Une
déchirure, un exode, un deuil. Raconter cela, ce n'est pas de la nostalgie mais beaucoup d'émotion. » Après avoir vécu dans l'Ariège, la famille Maccotta s'installe à Tours « grâce à la mutation de mon père, à EDF ». Marc, devenu musicien, auteur, compositeur, n'a rien oublié des humiliations : « Nous n'avons pas été bien reçus. On nous croyait plein d'argent, on disait qu'on avait fait marcher les Arabes à la trique. Nous, nous avions le complexe de la France. On se disait qu'on n'avait pas la même intelligence, pas la même culture que les Métropolitains. On se moquait de notre accent. On s'est fait tout petit, ici, en Indre-et-Loire.
" On s'est fait tout petit, ici "
« J'ai souvenir d'un homme agressif contre mon père, à La Ville-aux-Dames, qui nous demandait de " retourner chez nous ". Les jeunes de Métropole avaient l'impression qu'on venait leur piquer les filles car on était chaleureux, on avait un accent et on les faisait rire. On nous prenait pour des cu-culs et c'est vrai qu'on était naïfs.
« Oui, nous nous sommes bien intégrés même si nous avons commencé par vivre entre nous. Nous nous retrouvions dans des cafés, place du Palais (Jean-Jaurès), à Tours ».Se repentir, aujourd'hui ? « Pas question ! Nos racines sont là-bas. Je n'ai aucune rancœur vis-à-vis des Arabes. Les politiques ont bâclé l'Algérie et nous ont trahis. On n'en parl mais on ne peut pas dire que c'est du passé, que la page est tournée. On a eu un triste sort et les Harkis plus que nous encore. Nos familles sont dispersées partout en France. »
« Pas question d'oublier! Nos racines sont là-bas. Je n'ai aucune rancœur vis-à-vis des Arabes. Les politiques ont bâclé l'Algérie et nous ont trahis. On n'en parle plus mais on ne peut pas dire que c'est du passé, que la page est tournée. On a eu un triste sort et les Harkis plus que nous encore. Nos familles sont dispersées partout en France. »
" J'ai joué Jésus "
Juillet 1962. Avec ma famille, nous débarquons à Marseille, direction Orléans où un poste attend ma mère cheminote. La tribu est hébergée chez un parent arrivé un peu plus tôt d'Algérie. C'est l'été, il fait chaud. Loin d'Oran et de ses plages, on tourne en rond au pied de la statue de Jeanne d'Arc. L'un de mes oncles réussit à se faire embaucher dans un centre de vacances voisin. Compréhensive, la directrice l'autorise à prendre avec lui deux de ses neveux : Ghislain, un cousin de dix mois mon aîné, et moi, haut comme trois pommes. Pas encore six ans. Ça tombe bien. En ce 15 août, jour de l'Assomption, on cherche un petit qui jouera l'enfant Jésus. Sans savoir ce qui m'arrive, je me retrouve allongé dans une cagette en forme de berceau avec une hostie dans la bouche. Mon premier rôle fut sans parole.
Olivier Pouvreau